Page:Hatin - Histoire politique et littéraire de la presse en France, tome 3.djvu/393

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Sur un exemplaire des Annales annoté par M. Félix Bodin, vers 1826, on lit cette observation : « Je ne suis pas surpris du bruit que fit cet ouvrage dans le temps. Linguet a un style plein de chaleur et d’originalité ;[1] ; on trouve par-ci par-là des vues hardies, des poussées dans l’avenir, des pages vraiment remarquables. Du reste, ce Linguet est toujours de mauvaise humeur et mécontent de tout ; on ne sait guère ce qu’il veut. Il fut un temps où les écrits de cet homme faisaient fureur, comme aujourd’hui ceux de l’abbé de Pradt, de M. de Montlosier, etc. ; mais cela ne se lit plus. » Non, sans doute, les Annales ne se lisent plus comme au moment de leur apparition ; cependant quiconque veut connaître le mouvement des idées à la fin du XVIIIe siècle ne saurait se dispenser de les lire.

Linguet avait un talent réel : histoire, économie politique, littérature, jurisprudence, diplomatie, il s’était rendu familiers tous ces genres, et il en a traité quelques-uns avec une véritable originalité ; mais il a déconsidéré son talent par un excès de fougue, de jactance, de bizarrerie, par sa manie du paradoxe, par ses intempérances de langage, par la véhémence et la continuité de ses emportements.

    admiration pour Marat, qui se cachait alors, et dont on eût dit que le silence lui semblait une calamité publique. On le soupçonna même d’être l’auteur de quelques numéros de l'Ami du Peuple ; un pamphlet dirigé contre lui a pour titre : Confession sincère et générale de l’avocat Linguet, auteur de l’Ami du Peuple, attribué au sieur Marat.

  1. On a reproché avec raison à Linguet son néologisme ; il donna lieu, de son temps, à la publication d’un pamphlet intitulé : Dictionnaire à l’usage de ceux qui lisent les Annales de Me Linguet.