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le décor, importance de l’acteur ou du rôle, irréalité çà et là ou factice, qualité du vers, répétitions, geste dépassant l’attitude morale qui en est le support, style net et à arêtes, tout cela c’est du « métier », c’est du « théâtre ».

Mais pour M. Rostand qui, à certains égards, serait le Scribe du théâtre en vers, il y a autre chose que le « métier », il y a la valeur et la fonction supérieures du théâtre. « … Les personnages de théâtre, disait-il dans son discours de réception à l’Académie, sont les correspondants chargés de nous faire sortir de cet éternel collège qu’est la Vie — sortir pour nous donner le courage de rentrer ! et… celui qui nous tait encore le mieux sortir, c’est un héros ! » et, dans un autre passage, « il faut un théâtre où, exaltant avec du lyrisme, moralisant avec de la beauté, consolant avec de la grâce, les poètes, sans le faire exprès, donnent des leçons d’âme ! — il faut un théâtre poétique et même héroïque ! » N’est-ce pas là croire à son art, s’en faire une conception haute et belle qui le lave de cabotinage ? Le poète qui créera des héros officiera dans un temple. Maître de la vie, de l’histoire ou de la légende, du réel ou du songe, arbitre des destinées, ne fait-il pas alors concurrence à Dieu ? Et ignore-t-on, au surplus, que le théâtre sera bientôt l’unique religion des civilisés ? Dès maintenant, c’est presque par lui seul qu’ils vibrent collectivement. « Ce n’est plus guère qu’au théâtre que les âmes, côte à côte, peuvent se sentir les ailes ».