Page:Hauvette - Littérature italienne.djvu/170

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150 L[TTléRA'1`URE ITALIENNE nous les retrouvons. Mais qu’il les ait einpruntées in la tradition orale, ou puisées dans les livres, son origina- lité n’en souH`re que peu, car elle est tout entiere dans le parti qu’il asu tirer de themes qui, jusqu’alors, avaient appartenu in tout le monde, c’est-a·dire h personne. Bien que l’influence olassique soit moins sensible dans le Décaméron que dans ses ceuvres précédentes, Boecace cepeudant y déploie un art raffiné. S’il sait faire parler les gens du peuple dans le langage qui leur convient, son style n’en a pas moins un cachet aristocratique caractérisé. Il n’a qu’un but: plaire, embellir la vie, et ajouter aux autres joies de l’existence ce plaisir, réservé aux seuls esprits supérieurs, qui consiste in s’oH`rir le spectacle de la sottise humaine. Ce terrible railleur qui ne respecte rien, sauf la passion, nous enseigne que la vertu la plus nécessaire en ce monde est l’esprit. Ne lui demandons pas d`autre legon. S’il excelle in créer des personnages, Boccace est peu apte a s’analyser lui-méme : sa vie intérieure est E1 peu pres nulle, et voilh pourquoi son Canzoniere, en dépit de quelques bonnes pieces, est si inl`érieur a celui de Pétrarque. Ses meilleures poésies lyriques —— les char- mantes ballades du Décaméron — ne sont guere que des variations, d’aillaurs fort agréables, sur des themes ronnus: la coquette, la jalouse, l’amante heureuse ou dilaissée. En résumé, aucun écrivain, avant l’Arioste, n’a plus hardiment mis en pratique la théorie de l'art pour l’art; personne,’des le milieu du x1v‘ siecle, ne s°est plus intré- pideinent posé en adversaire des traditions du Moven Age.