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d’une longue croisière sur les côtes de Grèce, que d’Annunzio fit en juillet 1896 avec quelques amis. Mais à ce voyage réel s’en superpose immédiatement un autre, imaginaire et symbolique, celui de l’âme du poète « à travers le monde spirituel et matériel ; il explique qu’après avoir contemplé la beauté de la vie grecque, telle qu’elle a été représentée dans le mythe, il est passé à considérer la vie moderne ; elle lui a inspiré un indicible dégoût et il a compris alors qu’il ne trouverait de véritable refuge qu’au sein de la solitude[1] ». Ces deux voyages perpétuellement mêlés, entrecroisés, constituent une trame complexe, assez déconcertante, qu’il serait vain de vouloir analyser ici en détail : il en émerge une série de merveilleuses rencontres avec les héros de la légende et de l’histoire grecque, que le poète réussit à parer d’une vie intense. Mais las des « cités modernes de la fièvre et de la fraude », plein de mépris pour « la plèbe dominée par les démagogues et incapable de s’élever à la beauté d’une vie simple et grande, il ne trouve un asile digne de lui que dans la campagne romaine et sous les voûtes de la Chapelle Sixtine, ce refuge plus solitaire que les cimes des plus hautes montagnes ». Là, il interroge les Sibylles, qui ne lui répondent pas ; mais un autre personnage créé par le génie de Michel Ange, « le héros sans compagnon » lui vante les bienfaits de la solitude : « Sois seul de ton espèce, dans ton chemin sois seul, sois seul sur la dernière cime ! » Alors le poète s’enfuit : « Dans la solitude du désert libyque il trouve sa libération définitive. » Comme on le voit d’après ces trop brèves indications, il s’agit ici d’un poème essentiellement lyrique, dans lequel d’Annunzio se raconte lui-même à l’aide d’une fiction

  1. P. de Montera, article cité.