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aux Rochers (1896) le symbole se substitue à l’action, car d’Annunzio se plaît à donner des formes concrètes aux idées et aux sentiments, à moins qu’il ne prête ceux-ci aux objets inanimés ; il aime le symbole pour lui-même, pour sa beauté propre, indépendamment du sens qu’on peut lui donner. Enfin l’expression dont se sert le romancier ajoute au caractère de toute son œuvre ; car sa langue et son style sont aussi éloignés de l’usage quotidien que ses héros diffèrent du commun des êtres réels : sa prose a une richesse, un coloris, une harmonie, une hardiesse de métaphores, un imprévu de locutions puisées à toutes les sources – aux écrivains du xixe siècle, aux parlers provinciaux, et jusqu’aux langages techniques les plus modernes[1] qui témoignent à leur tour d’une insatiable curiosité, d’une recherche perpétuelle de tout ce qui surprend et éblouit. Personne n’avait encore écrit, personne n’écrira plus comme d’Annunzio.

La carrière même de l’homme et son évolution ont quelque chose d’exceptionnel : dilettante, cosmopolite dans sa jeunesse, « surhomme » de trente à quarante ans, ce poète, ce romancier, ce dramaturge est devenu un homme d’action, un héros, l’interprète du patriotisme, et le précurseur de l’impérialisme italien. La guerre mondiale lui a fourni l’occasion de contribuer, par ses harangues, à l’intervention de l’Italie dans la mêlée ; il a joué un rôle brillant comme aviateur sur les rives de l’Adriatique et au-dessus de Vienne ; enfin il a dirigé avec ses volontaires l’occupation de Fiume, qui a valu ce port à l’Italie. De ses œuvres écrites depuis la guerre, le Notturno surtout retient l’attention (1922) : ce n’est

  1. C’est lui qui a trouvé, pour designer l’avion, ce joli mot latin : velivolo.