Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/150

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Suppliez-le de ne pas entrer !… Oh ! qu’il ait pitié de moi !… Pitié !… pitié !… »

On put se demander, un moment, si le Juge renoncerait à l’idée qu’il avait eue d’écarter Hepzibah pour franchir le seuil de ce salon où s’élevaient de si misérables supplications… Ce ne fut pas la pitié qui l’en empêcha, — car aux premiers sons de cette voix affaiblie, une flamme rouge s’alluma dans ses yeux, et il porta le pied en avant par un mouvement brusque où l’homme se révéla tout entier. Pour apprécier le juge Pyncheon, il ne fallait que le voir en ce moment. La chaleur habituelle de son sourire, tout à coup transformé, n’exprimait ni la haine ni la colère, mais je ne sais quelle ardeur féroce dont les jets brûlants devaient, semblait-il, anéantir tout ce qui n’était pas eux.

Et cependant, après tout, ne devons-nous pas nous reprocher de calomnier cet aimable, cet excellent homme ? — Regardez maintenant le Juge ! — Il a conscience de l’erreur qu’il a commise en multipliant ses insistances auprès de personnes incapables d’apprécier les bontés dont il prétend les combler. Il attendra donc que les circonstances soient plus favorables, tout aussi prêt alors qu’aujourd’hui à prodiguer ses bons et loyaux services, son assistance empressée. Au moment où il s’éloigne de la porte, l’ample bienveillance qui rayonne sur son visage semble indiquer qu’il comprend Hepzibah, la petite Phœbé, l’invisible Clifford, — oui, tous les trois, et avec eux l’univers entier — dans les épanchements de son cœur immense.

« Vous me faites grand tort, chère cousine Hepzibah, dit-il en lui offrant d’abord une bonne poignée de mains, et en remettant ensuite son gant pour se préparer