Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/42

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nous moquer en voyant la pauvre Hepzibah se traîner sur ses mains et ses genoux, squelette rigide et rouillé, à la recherche de ces billes vagabondes. Même dans le besoin de rire que nous éprouvons et qui nous force à détourner la tête, n’y a-t-il pas, au fond, de quoi pleurer ? N’assistons-nous pas à up des spectacles les plus mélancoliques dont la vie nous puisse rendre témoin, la décadence d’une personne bien née, les angoisses finales et, pour ainsi dire, l’agonie de sa dignité aux abois ?… Une lady, — nourrie dès l’enfance de ces réminiscences chimériques, l’orgueil de sa race, et pour qui c’était un dogme religieux que « la main d’une dame est à jamais souillée par le moindre travail mercenaire, — cette même lady, après soixante ans d’une gêne toujours croissante, se voit contrainte de quitter le piédestal imaginaire où son rang l’avait maintenue. La pauvreté dont elle a toujours senti le souffle froid sur son épaule, la pauvreté la tient enfin la domine. Il faut ou gagner sa vie, ou mourir de faim ; et c’est à ce moment précis où la patricienne va descendre au niveau de la plus vile plèbe que nous avons, — sans assez de respect, hélas ! — pénétré furtivement chez miss Hepzibah Pyncheon. C’est là une tragédie que notre régime républicain et l’instabilité orageuse de notre existence sociale reproduisent chaque jour, ou, pour mieux dire, à chaque minute. Mais, puisque nous avons eu le malheur de présenter notre héroïne sous un jour aussi défavorable et dans des circonstances aussi critiques, nous revendiquerons pour elle le bénéfice de tous les détails accessoires qui rendaient sa chute plus solennelle. Il faut donc nous rappeler que nous avons sous les yeux « une dame » dont