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Page:Hawthorne, La maison aux sept pignons, Hachette, 1886.djvu/92

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environnée d’abîmes. Mais elle ne pouvait s’empêcher de prendre intérêt et plaisir à cette promptitude avec laquelle la nouvelle venue, se prêtant aux circonstances, pliait aussi la vieille maison et tous les ustensiles rouillés aux besoins de la situation. Et cela sans nul effort, avec des fragments de chanson qui venaient à chaque instant caresser l’oreille. Phœbé, c’était l’oiseau sur la branche, et le ruisseau de la vie traversait son cœur en gazouillant, comme l’eau pure des sources traverse le creux d’un beau petit vallon. La joie qu’elle apportait au travail était comme l’ornement de ce travail même ; on eût dit un fil d’or mêlé à la trame sombre de l’austère puritanisme.

Hepzibah était allée chercher quelques anciennes cuillères d’argent portant l’écusson de famille, et un service à thé sur lequel s’épanouissaient les grotesques imaginations du pinceau chinois. Il datait du temps où l’usage de prendre le thé s’était introduit en Europe, et ses vives couleurs, néanmoins, n’avaient rien perdu de leur éclat primitif.

« Votre trisaïeule en se mariant apporta ces tasses, disait à Phœbé la solennelle Hepzibah. C’était une Davenport ; excellente famille !… Ce furent presque les premières porcelaines introduites dans la colonie, et si on en cassait quelqu’une, ce serait pour moi un vrai crève-cœur … Mais pourquoi comparer mon cœur à des porcelaines fragiles, lorsque je me souviens de tout ce qu’il a supporté sans se briser ? »

Les tasses en question, — elles n’avaient peut-être jamais servi depuis la jeunesse d’Hepzibah, — s’étaient chargées d’une notable quantité de poussière ; Phœbé la fit disparaître avec tant de soin, tant de déli-