Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
99
LE TRÉSOR

IX

Jamais, dans le cours de ses folles rêveries, Pierre n’avait été aussi heureux que depuis qu’il avait pris cette extrême résolution. Peut-être trouvait-il dans son imagination une consolation aux maux que lui causait l’excès de cette faculté. S’il était pauvre, mal vêtu, s’il ne mangeait pas toujours à sa faim, s’il était toujours sous le coup d’une ruine totale, son corps seul souffrait, mais son esprit, perdu dans les nuages, rêvait un brillant avenir. C’était sa nature à lui d’être toujours jeune. Que lui importaient ses cheveux gris, ses rides, ses infirmités ! S’il paraissait vieux, si sa maigre figure surmontait un pauvre corps, le vrai Pierre était un jeune homme, plein d’illusions, encore au seuil de la vie. Chaque printemps, sa jeunesse flétrie renaissait de ses cendres, mais, cette fois, elle s’épanouissait plus triomphante que jamais. Il avait vécu longtemps à la vérité, mais il avait encore un cœur sensible et tendre, plein d’une juvénile ardeur ; il résolut, aussitôt qu’il aurait trouvé son trésor, d’aller faire la cour aux jeunes filles de la ville et de s’en faire aimer. Quel cœur pourrait alors lui résister ? Heureux Pierre Goldthwaite !

Il y avait longtemps qu’il avait abandonné les lieux habituels de flânerie, les bureaux d’assurance, les cabinets de lecture, les étalages des libraires ; et, comme on ne l’invitait plus que rarement dans les cercles de la ville, il passait presque toutes ses soirées au foyer de la cuisine, en compagnie de la vieille Tabita, occupée à terminer quelque ravaudage.