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CONTES ÉTRANGES

— Absurdes enfants ! oui, absurdes, cria le père moitié fâché, moitié riant de cette singulière obstination, rentrez vite à la maison. Il est trop tard maintenant pour jouer dehors, et il faut que je m’occupe sur-le-champ de cette petite, si vous ne voulez pas qu’elle meure de froid.

— Mon cher mari, dit à voix basse la maman qui, ayant jeté les yeux sur la petite étrangère, semblait plus perplexe que jamais, il y a quelque chose d’extraordinaire dans tout cela. Vous me taxerez peut-être de folie ; mais pourquoi, je vous prie, un ange invisible ne serait-il pas venu partager les jeux de nos chers enfants, attiré par la candeur de leurs âmes ? Un miracle n’est pas impossible… ne riez pas… je vois que vous pensez en vous-même que je dis là des choses déraisonnables.

— Ma chère, dit M. Lindsey en riant, vous êtes aussi enfant que Violette et Pivoine.

Il est vrai qu’elle l’était un peu, la bonne mère ; elle avait conservé de l’enfance la touchante naïveté, et voyait toutes choses à travers le prisme d’une candide imagination.

Mais l’impitoyable M. Lindsey n’écoutait déjà plus, et il était rentré dans le jardin après s’être débarrassé des marmots, qui lui criaient encore de laisser jouer la petite fille dans la neige. Il vit, en s’approchant d’elle, les petits oiseaux fuir à tire d’aile ; la petite inconnue, tout interdite, le regardait en secouant négativement sa jolie tête comme pour lui dire : « Je vous en prie, ne me touchez pas » ; et, grâce à la nuit tombante et à la blancheur de ses vêtements, elle semblait presque se confondre avec la neige. Mais M. Lindsey s’avança résolument vers elle, malgré les rafales du vent qui couvraient son paletot de givre. Des voi-