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L’AMOUR DU BEAU

guenille enfin. Il ne put que courber la tête sous ce coup imprévu.

Il fut longtemps malade et se rétablit lentement. En revanche, lorsqu’il fut entièrement revenu à la santé, on remarqua dans sa personne un embonpoint qu’on ne lui avait jamais connu. Ses joues se remplirent, sa main devint potelée comme celle d’un enfant, dont elle avait la petitesse. Et, de fait, Owen avait une tournure si enfantine que l’on était souvent tenté de caresser sa blonde chevelure. L’esprit qui l’animait semblait l’avoir abandonné pour donner à son corps le loisir de prospérer au milieu d’une existence quasi négative. Non pas qu’il fût tombé dans l’idiotisme, car il tenait des propos fort sensés. De taciturne qu’il était, il était devenu causeur. En effet, il se plaisait à discuter sur les merveilles de mécanique, dont il avait lu, disait-il, la description dans des livres, mais dont l’existence lui semblait difficile à admettre. De ce nombre était l’homme de bronze d’Albert le Grand, la tête parlante du moine Bacon, et, dans des temps moins éloignés de nous, cette petite voiture traînée par des chevaux automates, qui fut, à ce qu’il paraît, exécutée pour un Dauphin de France.

Il parlait aussi d’un insecte voltigeant autour des spectateurs comme une mouette réellement vivante, et qui n’était pourtant qu’une ingénieuse combinaison de petits ressorts ; puis d’un canard dont les mouvements imitaient, à s’y méprendre, ceux d’un canard vivant, mais qui sans doute eût fait un triste rôti sur la table d’un honorable bourgeois.

— Toutes ces merveilles, dit Owen, j’en suis persuadé, ne sont que des hâbleries.

Et, après cet aveu, il avouait avec un peu de honte qu’il