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CONTES ÉTRANGES

n’avait pas toujours pensé ainsi. Dans ses jours de paresse et de rêverie, il s’était laissé aller à croire que l’on pourrait, jusqu’à un certain point, il est vrai, spiritualiser la matière et douer ses produits d’une apparence de vie, d’une beauté que la nature fait entrevoir dans ses créatures, mais qu’elle ne s’est malheureusement jamais donné la peine de réaliser. Il paraissait enfin avoir à peine conservé une idée bien distincte du dessein qu’il avait formé et de la façon dont il aurait pu l’exécuter.

— J’ai laissé tout cela de côté, disait-il parfois. C’étaient de ces rêves futiles comme les jeunes gens s’acharnent souvent à en poursuivre. Aujourd’hui que je n’ai plus de bon sens, je me contente d’en rire.

Après être resté plusieurs mois dans cet état de déchéance intellectuelle, une nouvelle métamorphose s’opéra dans l’esprit de l’artiste. Comment se réveilla-t-il de sa torpeur ? le souvenir n’en est pas resté. Peut-être le papillon symbolique revint-il accomplir sa mission mystérieuse. Tout ce que l’on sait, c’est que son premier mouvement fut de remercier la suprême intelligence qui le tirait encore du néant.

— À l’œuvre, s’écria-t-il, c’est maintenant ou jamais qu’il faut atteindre le but.

Il était, en outre, poussé par la crainte que la mort ne le vint surprendre avant qu’il eût réalisé ses espérances. C’est une idée commune à tous ceux qui tendent vers un but élevé, et la vie n’est chère à la plupart d’entre eux que parce qu’elle leur permet d’y parvenir. Tant que nous ne tenons à la vie que pour elle-même, nous craignons moins de la perdre ; mais qu’elle soit nécessaire à l’accom-