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L’AMOUR DU BEAU

plissement de nos desseins, c’est alors que nous nous apercevons combien la trame en est légère. Cependant ce sentiment de douloureuse inquiétude fait ordinairement place à une robuste confiance dans son invulnérabilité, toutes les fois que nous travaillons à une tâche providentielle et qui, suivant nous, manquerait au monde s’il ne nous était pas donné de l’accomplir. Le philosophe absorbé dans la recherche de la vérité pensera-t-il que la vie puisse l’abandonner avant qu’il ait soulevé le voile qui la recouvre ? S’il en était ainsi, des siècles pourraient s’écouler avant qu’une intelligence, sœur de la sienne, parvînt à pénétrer les lois qu’il avait entrevues et qu’il était sur le point de formuler. Hélas ! l’histoire nous en offre cependant plus d’un exemple. Combien de génies qui ont quitté ce monde avant d’avoir achevé leur mission terrestre ! Le prophète meurt, tandis qu’à ses côtés continuent à végéter d’incomplètes intelligences. Le poëte laisse ses chants inachevés, le peintre abandonne sur sa toile une ébauche imparfaite, et tous deux vont peut-être achever au ciel une œuvre que la terre n’était pas digne de posséder.

Revenons cependant à Owen Warland.

Pour son bonheur — ou son malheur peut-être, — il atteignit le but qu’il poursuivait en vain depuis si longtemps ; nous ne disons pas après quel douloureux enfantement et quelles défaillances.

Nous le retrouvons un soir d’hiver où, après avoir vu ses efforts couronnés de succès, il se dirigé vers le foyer de Robert Danworth.

Le robuste forgeron était confortablement assis au coin de l’âtre. Auprès de lui se tenait Annie, devenue mère de