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LA STATUE DE BOIS

à merveille que le sentiment de son imperfection, chez un simple praticien, était une preuve évidente d’une intelligence ignorée jusque-là, il s’étonnait de n’en trouver nulle trace, lorsque ses yeux s’arrêtant par hasard sur une figure à peine ébauchée, qui s’élevait seule dans un coin de l’atelier, il demeura stupéfait.

— Qu’est-ce que cela ? qui l’a fait ? s’écria-t-il après l’avoir considérée avec une silencieuse admiration. La voilà cette touche divine. C’est le feu de Prométhée ; quelle main inspirée commande à ce bois de surgir et de vivre ! encore un coup, qui a fait cela ?

— Personne, répondit Drowne, la figure est cachée dans le bois et je l’en fais simplement sortir.

— Drowne, s’écria l’artiste en serrant la main du sculpteur, vous êtes un homme de génie.

Bientôt Copley sortit de l’atelier ; mais en se retournant, il aperçut Drowne penché sur la statue et lui tendant les bras comme s’il eût voulu la serrer sur son cœur.

Son visage exprimait alors une passion si ardente que, si ce miracle eût été possible, elle eût suffi pour communiquer au bois la vie et la chaleur.

— C’est vraiment incroyable, se dit le peintre en lui-même, pensant trouver un nouveau Pygmalion dans la personne d’un ouvrier yankee.

Jusqu’alors la statue avait conservé cette apparence vague qu’affectent les nuages au déclin du jour, et l’imagination y découvrait beaucoup plus de beautés qu’il n’y en avait réellement. Mais, à partir de ce moment, l’œuvre devint de jour en jour plus distincte et l’ensemble plus facile à saisir. C’était une figure de femme qui paraissait drapée dans un