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CONTES ÉTRANGES

costume étranger : la robe serrée au-dessous du sein, s’ouvrait par devant sur une jupe d’une étoffe moelleuse, dont les plis étaient fidèlement et largement reproduits sur le bois. Sa coiffure, très-gracieuse de forme, était ornée de fleurs telles qu’il n’en croît point dans la Nouvelle-Angleterre, fleurs nées au soin d’une exubérante nature, mais imitées avec tant de vérité qu’il était évident qu’elles n’étaient point le produit de la fantaisie de l’artiste. On remarquait, en outre, divers accessoires : un éventail, une paire de boucles d’oreilles, une chaîne enlaçant le cou de la statue, une montre à sa ceinture et les bagues dont ses doigts étaient couverts.

La figure était loin d’être terminée, et cependant, à chaque coup d’ébauchoir, on voyait pour ainsi dire, l’intelligence et le sentiment de la vie animer graduellement ses traits. Enfin, l’œuvre s’acheva. Sa beauté, bien qu’irrégulière, était incontestable, et elle offrait un mélange de grâce et de dignité qu’il semblait presque impossible qu’un homme eût pu rendre avec du bois. Quant à l’exécution matérielle, elle était parfaite de tous points.

Copley dit un jour au sculpteur Drowne, qui n’avait pas manqué un seul jour de visiter l’atelier :

— Si cette œuvre était en marbre, non-seulement elle vous immortaliserait, mais j’affirme qu’elle ferait époque dans l’histoire de l’art. Conçue dans le beau idéal, comme les statues grecques, elle porte cependant un incroyable cachet de réalisme ; mais j’espère bien que vous n’allez point profaner cette délicieuse création en la couvrant de peinture comme les souverains et les amiraux qui sont rangés là-bas ?