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LA STATUE DE BOIS

— Ne pas la peindre ? s’écria le capitaine Hunnewell qui se trouvait présent à l’entretien ; ne pas peindre la figure d’avant du Cynosure ! eh bien, cela serait beau, ma foi, de voir entrer mon navire dans un port, sans que sa proue fût peinte.

— Monsieur Copley, répondit Drowne avec calme, j’ignore absolument les règles de la statuaire ; mais quant à ce qui est de cette statue de bois, l’œuvre de mes mains, la création de mon cœur, je puis dire une chose, c’est qu’une source d’intelligence a jailli de mon cerveau pendant que je travaillais ce chêne, en y mettant toute mon âme, toute l’énergie de ma foi ; que les autres adoptent les règles qui leur conviennent, rien de mieux ; mais pour moi, si je puis atteindre avec du bois peint l’idéal que je poursuis, ces règles ne sont point faites pour moi et j’ai le droit d’en secouer le joug.

— La logique même du génie, murmura le peintre ; il a raison de mépriser les règles et moi je suis un sot de les lui opposer.

Puis, portant ses regards sur le jeune sculpteur, il surprit de nouveau sur son visage cette expression d’un amour tout humain, auquel il attribuait, non sans raison peut-être, la transformation de l’artiste.

Drowne cependant, continuant à s’entourer de mystérieuses précautions, se mit à peindre sa statue. Puis quand tout fut bien fini, il ouvrit au public les portes de son atelier, et permit à tout le monde de venir contempler son œuvre. Les habitants de Boston, gens naïfs pour la plupart, s’inclinaient respectueusement devant cette gracieuse dame si richement vêtue ; et s’apercevant de leur erreur, se rele-