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LES PORTRAITS PROPHÉTIQUES

majesté de Dieu, ce fait de donner la vie à l’image de sa créature. D’autres, effrayés de la puissance d’un art qui peut à volonté évoquer des apparitions et faire revivre les morts au milieu des vivants, inclinaient voir dans le peintre un sorcier, ou peut-être le fameux homme noir, complotant sous une forme nouvelle quelques nouveaux méfaits. Ces sottes idées avaient pris dans le peuple une certaine consistance ; et même dans des sphères plus élevées on considérait le peintre avec une certaine terreur, due en partie aux superstitions populaires, mais surtout à l’immense talent, aux connaissances aussi approfondies que variées dont il faisait preuve dans l’exercice de son art.

À la veille de s’unir, Walter Ludlow et Élinor étaient très désireux de posséder leurs portraits, qu’ils espéraient sans doute devoir être le commencement d’une longue série de portraits de famille. Le jour qui suivit la conversation que nous venons de rapporter, ils se rendirent à l’atelier du peintre. Une servante les introduisit dans un vaste appartement où, bien que l’artiste fût absent, ils trouvèrent plusieurs personnes qu’ils saluèrent poliment. Mais ils reconnurent bientôt que cette imposante assemblée n’était composée que de portraits dont la ressemblance avec les modèles devait être si frappante qu’il était impossible d’en séparer les idées de vie et d’intelligence. Quelques-uns d’entre eux leur étaient connus. Ils trouvèrent le gouverneur Burnett, qui semblait avoir reçu à l’instant même quelque inconvenante communication de la chambre des représentants, et se disposait à dicter une réponse piquante. M. Cooke, placé à côté de lui, contrastait singulièrement avec le gouverneur par son regard sévère et son attitude