Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/14

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Et voici l’effet le plus curieux sans doute de notre Révolution, le moins observé et le plus sûr. Au premier moment, sa formidable impulsion répand notre langue partout où pénètrent nos idées : depuis Londres, où des clubs se forment pour commenter la déclaration des droits de l’homme, jusqu’à Koenigsberg, où Kant pleure en la lisant ; depuis les humbles villages de la Basilicate, où les paysans s’écrient : Nous voulons faire comme les Français ! jusqu’à Moscou, où l’on s’embrasse dans les rues, parce qu’une ère de félicité va commencer pour les mortels. Nos armées sillonnent les routes de l’Europe ; elles s’arrêtent : nos soldats entrent chez l’habitant, s’approchent du foyer, bercent l’enfant ; et les parents, craintifs devant des gens qu’on leur avait dépeints comme si terribles, sont surpris d’entendre dans leur bouche une langue empreinte de tant de douceur. Surgissent des républiques, à l’image de la nôtre : à la tribune des sociétés populaires, qui répètent nos discours ; dans les théâtres, qui donnent nos pièces sans y rien changer ; autour des arbres de la liberté ; sur les places publiques, où l’on célèbre la Grande Nation, le fran-