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Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/18

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langue aux autres, comme marque oppressive de sa domination.

L’Empire, cependant, tenta l’entreprise ; et ce fut comme un effort immense et désespéré. On vit l’Empereur transmettre aux ministres sa volonté de « franciser » ses conquêtes, les ministres écrire aux préfets, les préfets aux maires. Alors, dans chaque commune, on surveilla les lettres et on favorisa les Muses. Point d’événement officiel, de fête ou d’anniversaire, de mariage ou de baptême, qui ne provoquât l’inspiration par l’appât de la récompense. Dans les départements annexés à l’Empire, on suivit un plan régulier pour faire pénétrer peu à peu notre langue : des journaux français, rédigés par des littérateurs venus de Paris ; des théâtres français, prompts à représenter les chefs-d’œuvre de Lemercier ou de Raynouard ; des bibliothèques publiques, remplies de livres français ; des lycées, où l’enseignement du français passerait avant tous les autres : rien ne fut laissé au hasard. Tout ceci bien et dûment organisé, de temps à autre, un sonnet imprimé sur soie, un acrostiche ingénieux, un discours solennel, remontaient les degrés