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Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/32

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demander aux peuples de suspendre pour un moment leur commerce intellectuel, et d’attendre qu’on ait à leur fournir un autre truchement. Elle est l’active, l’inlassable ouvrière qui a fait apprécier ses services au cours des siècles ; elle répond à des exigences qui, n’ayant point de cesse, ne laissent pas le loisir de changer.

Et pourquoi changerait-on ? À ne parler que des commodités qu’on trouve à se servir de nous (car la vraie question est ici ; et la plus sûre garantie de l’universalité du français, ce sont les avantages que les autres lui reconnaissent) — aurions-nous cessé d’en offrir ? De toutes les langues, n’est-ce plus la nôtre qu’on est amené à pratiquer naturellement ? Notre pays ne serait-il plus « varié, aimable, accueillant » ; « profondément humanisé », ainsi que les géographes, depuis Strabon, se plaisent à le dépeindre ? Fondant tous les contrastes comme il réunit tous les climats, n’est-il plus le trait d’union entre le Nord et le Midi, les Latins et les Germains, la Renaissance et la Réforme ? L’Europe ne converge-t-elle plus vers lui, comme vers l’Europe le monde ? Nous ne voyons pas que nous ayons perdu nos habi-