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Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/34

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nous avions repris une tradition vieille de quatre cents ans, qui nous donne « les moyens de travailler ensemble à la grandeur du nom français, et au bien de l’humanité ». Nous avions couru un danger, qui était de passer pour les amuseurs de l’Europe, voire pour ses corrupteurs. Nos romans à succès étaient les pires ; nos comédies les plus applaudies étaient les plus légères. Mais si nous devons rougir quelquefois de notre exportation, n’oublions pas que les meilleurs parmi nos contemporains, les « maîtres de l’heure », les hommes qui représentent fidèlement la pensée française, communiquent à leurs lecteurs le souci des problèmes moraux qui les tourmente eux-mêmes. Cette inquiétude métaphysique qui donne à l’art comme une vie surhumaine, tous les plus grands l’ont éprouvée ; nous avons le droit d’être plus fiers de notre littérature aujourd’hui qu’hier. Que dire de nos savants, qu’on lit partout dans leur langue, parce qu’ils donnent un air d’évidence aux vérités les plus compliquées, en leur communiquant la lucidité de leur propre esprit ? Ceux-là aussi sont sociaux à leur manière ; et sociaux nos philosophes, par la nature des questions qui