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Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/36

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mettons sur les livres : fait à Paris, comme on fait à Nüremberg les poupées. Nous comprenons très vite ; si quelquefois nous comprenons mal, c’est par excès de hâte ; si nous ne traduisons pas avec une fidélité scrupuleuse, c’est que nous avons la prétention d’embellir. Tel auteur, trop abondant, qui tient du génie de sa race un culte exagéré pour les mots sonores, nous l’élaguons : il n’en paraît que meilleur. Tel autre, rude et sauvage, nous l’adoucissons, nous le polissons un peu, en ayant soin de lui laisser juste assez de nouveauté pour séduire sans trop surprendre et pour conquérir sans révolter. Occupés à faire ainsi valoir le bien d’autrui, il nous arrive de négliger le nôtre : nous sommes envahis par une foule cosmopolite d’écrivains dont nous prononçons les noms avec l’accent déplorable qui est notre secret. Mais si nous voulons faire connaître Gorki aux Italiens, et Grazia Deledda aux Russes ; Bernard Shaw aux Espagnols, et Pérez Galdos aux Anglais, il faut bien que tous ces gens se rencontrent dans notre demeure. C’est notre fonction qui le veut.

Rappellerons-nous, par-dessus tout cela,