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Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/61

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dans les mailles de son filet. Peut-être, dans cent ans, la tradition fidèle demandera-t-elle qu’on se recueille une fois encore, pour examiner ce que la langue française est devenue. D’autres alors reprendront la tâche. Pour nous, ne préjugeons point ; et sachons nous contenter du présent.

Le présent est âpre et dur. C’est un rude métier que celui de vivre, pour les individus, pour les peuples, pour les idées. L’universalité de notre langue a suscité bien des convoitises. Des rivales sont nées, qui ont voulu la restreindre ; elles ont invoqué contre elle tantôt la force et tantôt le droit. Nous-mêmes, de notre propre voix, nous avons déclaré au monde qu’il n’était plus d’hégémonies possibles ; et rien, plus que notre logique, n’a contribué à changer l’ancien état de choses.

Ainsi le bel héritage que nous tenions de nos aïeux, cet héritage unique parmi ceux de tous les peuples, n’est pas demeuré immuable dans un siècle où tout s’est transformé. Mais au moins avons-nous su évoluer pour notre bien ; et nous voyons avec joie que nos gains ont compensé nos pertes. La langue française n’a plus d’autorité despo-