Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blanches, larges vagues, poussées par le reflux, s’avançaient écumeuses et mugissantes. C’était un fracas étrange, un chuchotement et un sifflement, des rires et des murmures, des soupirs et des râles, entremêlés de sons caressants comme des chants de berceuses. — Il me semblait ouïr les récits du vieux temps, les charmants contes des féeries qu’autrefois, tout petit encore, j’entendais raconter aux enfants du voisinage alors que, par une soirée d’été, accroupis sur les degrés de pierre de la porte, nous écoutions en silence le narrateur, avec nos jeunes cœurs attentifs et nos yeux tout ouverts par la curiosité, pendant que les grandes filles, assises à la fenêtre au-dessus de nous, près des pots de fleurs odorantes, et semblables à des roses, souriaient aux lueurs du clair de lune.


3


COUCHER DE SOLEIL

Dans l’immense océan argenté qui frissonne, descend le soleil empourpré ; à sa suite, dans l’air, flottent des formes roses. Comme un visage triste et mortellement pâle, la lune, à l’autre bout du ciel, sort des voiles d’automne du couchant, et les étoiles scintillent derriere elle, étincelles lumineuses dans l’espace nébuleux.

La déesse Luna et le dieu Sol, unis par les liens du mariage, luisaient jadis au firmament : autour d’eux grouillaient les étoiles, leurs innocents petits enfants.

Mais de mauvaises langues semèrent la discorde, et l’hostilité sépara l’orgueilleux couple flamboyant.

Maintenant chaque jour, dans sa majesté solitaire, le dieu Soleil circule là-haut, et les hommes altiers qu’endurcit le bonheur adorent et célèbrent sa puissance. Mais, la nuit, Luna chemine dans le ciel, pauvre mère entourée d’étoiles orphelines, et elle luit avec un air de muette mélancolie. Et jeunes filles énamourées et poètes au cœur tendre lui dédient leurs fleurs et leurs chants.

La douce Lune ! Avec son cœur de femme, elle aime encore