Aller au contenu

Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

24

Comment je fis pour arriver au haut de l’étroit escalier, c’est ce que je ne saurais dire. Peut-être des esprits invisibles m’y ont-ils transporté.

Là, dans la chambrette d’Hammonia, les heures s’écoulèrent rapidement. La déesse m’avoua les sentiments sympathiques qu’elle avait toujours eus pour moi.

« Vois-tu, me dit-elle, autrefois celui que j’aimai le plus, fut le poète qui chanta le Rédempteur sur sa pieuse lyre.

« Là, sur ma commode, est encore le buste de mon cher Klopstock ; mais, depuis longtemps, il ne me sert que pour accrocher mes bonnets.

« Tu es maintenant mon auteur favori, ton image est suspendue à la tête de mon lit. Regarde ! une fraîche couronne de lauriers entoure le cadre du portrait adoré.

« Seulement, tu as étrillé trop souvent mes enfants bien-aimés, les Hambourgeois, et je dois t’avouer que ces sarcasmes m’ont profondément blessée. Que cela n’arrive plus !

« Le temps, je l’espère, t’a guéri de cette mauvaise habitude, et t’a donné, même envers les sots, une plus grande tolérance.

« Mais parle ! D’où te vint la pensée de venir dans ces régions du nord en cette saison ? le temps est déjà à l’hiver. »

— « Oh ! ma déesse ! lui répliquai-je, il repose tout au fond du cœur humain bien des pensées qui s’éveillent souvent mal à propos.

« Extérieurement j’étais assez heureux, mais intérieurement je me sentis le cœur serré, et ce serrement de cœur croissait de jour en jour ; j’avais le mal du pays.

« Cet air de France, ordinairement si léger, commençait à me peser ; il me fallait respirer l’atmosphère de l’Allemagne pour ne pas étouffer.

« Je regrettais la senteur de la tourbe de nos poêles allemands,