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Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/249

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Vers le soir, nous atteignîmes une misérable posada où une olla-podrida fumait dans un plat crasseux.

J’y mangeai aussi des garbanzos gros et lourds comme des balles, indigestes même pour un estomac allemand nourri d’andouillettes dans sa jeunesse.

Le lit était le véritable pendant de la cuisine, et était comme poivré de vermine. Ah ! les punaises sont les plus terribles ennemis de l’homme !

L’inimitié d’une seule petite punaise qui rampe sur votre couche est plus redoutable que la colère de cent éléphants.

Il faut se laisser mordre en silence. C’est bien triste ! Ce qui est plus triste encore, c’est d’écraser l’ennemi : car alors toute la nuit une infection vous poursuit.

Oui, ce qu’il y a de plus terrible sur la terre, c’est un combat avec l’insecte qui se sert de sa puanteur comme d’une arme. Un duel avec une punaise !


12

Comme ils mentent, ces poètes, même les mieux dressés, quand ils disent, quand ils chantent que la nature est le temple de Dieu !

Un temple dont les splendeurs témoignent de la gloire du créateur ! Le soleil, la lune et les étoiles n’en seraient que les lampes d’or suspendues à la coupole.

Allez, allez, bonnes gens, mais avouez que les degrés de ce temple ne sont pas très-commodes, des escaliers insupportables !

Ces hauts et ces bas, ces montées et ces descentes, ces ascensions de rochers, cela me fatigue l’âme et les jambes.

À mes côtés marche Lascaro, pâle et long comme un cierge. Jamais il ne parle, jamais il ne rit, le fils mort de la sorcière.

Oui, l’on dit que c’est un mort, défunt depuis longues années, et à qui la science magique de sa mère a conservé l’apparence de la vie.