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cet endroit, moi dont le salut est chose très-problématique, moi qui doute par moments de ma propre existence.

Prends-moi pour ton chevalier, pour ton cavaliere servente : je porterai ton manteau et je supporterai tous tes caprices.

Chaque nuit, je chevaucherai à tes côtés dans la bande des chasseurs, et nous rirons ! Pour t’amuser, je te ferai goûter mes bons mots ;

— Ou bien des oranges. — La nuit, je te ferai paraître le temps court. Le jour, j’irai m’asseoir sur ta tombe.

Oui le jour, j’irai m’asseoir en pleurant sur les débris des sépulcres royaux, sur la tombe de ma bien-aimée, dans la ville de Jérusalem.

Et les vieux Juifs qui passeront croiront bien sûr que je pleure la chute du temple et la ruine de Jérusalem.


21

Argonautes sans vaisseau, qui s’aventurent à pied dans les montagnes, et qui, à la place de la toison d’or, vont à la recherche d’une peau d’ours ;

Ah ! nous ne sommes que de pauvres diables, des héros taillés à la moderne, et nul poète classique ne nous célébrera dans ses épopées.

Et cependant combien nous avons souffert ! quelle averse nous surprit au haut de la montagne où il n’y avait ni arbre ni fiacre !

Une vraie cataracte ! il pleuvait à flots. Certes, Jason, dans la Colchide, ne reçut jamais une pareille douche.

Je donnerais mes trente-six rois d’Allemagne, m’écriais-je, je les donnerais bien pour un parapluie ! Et l’eau ruisselait de mon corps en abondance.

Mort de fatigue, tout maussades et trempés comme des caniches, nous revînmes enfin à la cabane de la sorcière assez tard dans la nuit.