Page:Heine - Poëmes et légendes, 1861.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ces pâles canailles qui avaient l’air jadis des trois vertus théologicales, ont tant bu depuis de notre vin du Rhin qu’ils ont fini par avoir des trognes rouges.

Et la liberté s’est foulé le pied, elle ne peut plus sauter et danser. Le drapeau tricolore à Paris regarde tristement du haut de ses tours.

L’empereur est ressuscité depuis ; mais les vers anglais en ont fait un homme tout pacifique, et il s’est laissé rensevelir sans mot dire.

J’ai vu moi-même ses funérailles ; j’ai vu le char doré et les Victoires dorées qui supportaient le cercueil doré.

Le long des Champs-Elysées, par l’arc de triomphe, par le brouillard et sur la neige le convoi défila lentement.

La musique raclait d’une effroyable façon ; les nez des musiciens étaient bleus et leurs doigts raides de froid ; les aigles des étendards me saluaient d’un air piteux.

Les hommes regardaient avec des yeux hagards, à la fois réjouis et terrifiés, comme s’ils voyaient apparaître un fantôme chéri. Dans leur âme se rallumaient les vieux souvenirs du rêve impérial. Le conte de fée de l’empire, avec ses splendeurs héroïques, était évoqué devant eux.

J’ai pleuré ce jour-là. Les larmes me sont venues au yeux, quand j’ai entendu retentir ce cri d’amour, oublié depuis longtemps : Vive l’Empereur !


9