Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/140

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Comment fait M. Hugo pour admirer tout dans ces conditions-là ? Affreux courage que je signale sans l’imiter ! La violence du préjugé, la frénésie du parti pris, les fureurs de l’admiration volontaire et invincible, dépassent tout ce qu’on peut dire et croire, puisque les plaisanteries de Shakspeare ont des admirateurs. Ce dialogue lourd, froid, bête, sale, alambiqué, obscur, faux, impossible ; ces croisements inintelligibles de calembours prétentieux ; ce hideux assemblage d’éléments grotesques sans gaieté et lourds sans gravité, tout cela a trouvé des admirateurs, à cause de la signature. Mais si la plupart des comédies de Shakspeare étaient signées d’un nom moderne et inconnu, il est impossible de dire à quel mépris et à quel oubli (car ces deux choses ne s’excluent pas) serait voué le nom de l’auteur.

L’ennui est une des choses qui se pardonnent le plus difficilement. Mais quand il s’agit de Shakspeare, on ne le pardonne pas seulement, on l’adore. Cet homme a la permission de prendre le temps des autres hommes pour étaler sous leurs yeux ce qu’il y a de plus laid, de plus abject et de plus ennuyeux dans la vie humaine, et ceux-ci applaudissent ! Et si on demandait à ces mêmes hommes de consacrer un examen sérieux à l’œuvre sérieuse d’un auteur vivant, ces hommes n’auraient pas le temps. Il s’agirait de justice et de charité, ces hommes n’auraient pas le temps. Mais il s’agit d’une chose laide et d’un homme