Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/141

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connu, ils ont le temps de rire et le courage d’admirer.

Shakspeare n’est pas tout d’une pièce. Après l’horreur infernale, la boue humaine apparaît. Il faut pour cela une souplesse qui ne manque pas au poète anglais. Il se délasse par l’obscénité, qui remplit ses petites pièces, des violences du désespoir, qui grandit ses grandes pièces. Après l’enfer, le cabaret. Après Macbeth, Falstaff.

Falstaff est le don Juan de Shakspeare, mais ce don Juan-là est au-dessous de l’autre. Il n’a plus ni illusion, ni recherche ardente, ni crime compliqué. C’est un misérable pur et simple, quelque chose d’immonde qui ne désire pas, qui ne cherche pas, qui n’a pas même la fausse poésie dont le vice peut s’entourer. Falstaff est un des plus hideux représentants de la bouffonnerie shakspearienne, qui est une des plus hideuses, entre toutes les bouffonneries connues. La bouffonnerie shakspearienne est particulièrement lourde, folle, verbeuse, prétentieuse, assommante, malsaine, malpropre, stupide et guindée. C’est un cabaret où les jeux de mots se donnent rendez-vous. Si ces gens-là sont ivres, leur ivresse est au-dessous de l’ivresse ordinaire. Même par hasard, elle n’atteint jamais le comique. Elle se vautre lourdement dans une boue épaisse. Cette indulgence prodigieuse, en vertu de laquelle on pardonne tout à certains hommes, suffit à peine pour expliquer le pardon qu’on accorde à Shakspeare