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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/292

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sous son ombre, et pourtant il a remué le monde intellectuel. Il a regardé la bataille sans se mêler à elle ; mais ses regards ont suffi pour troubler la mêlée. Il n’a combattu pour aucune personne et pour aucune chose ; il a contemplé froidement.

Mais ce spectateur était plus terrible qu’un acteur. Ses yeux étaient des armes. Autour de lui, Fichte, Schelling, Hegel posaient leurs négations comme des dogmes, renversaient les principes de la pensée et faisaient sur leur route des ruines précises et déterminées. Leurs négations avaient des formules. Ils ont un caractère que l’histoire constate ; leur place est marquée dans les œuvres de la destruction.

Mais qui connaît la doctrine de Gœthe ? Il ne fut ni hégélien ni kantiste, et de son nom, à lui Gœthe, aucun adjectif ne s’est formé pour désigner une manière d’être. Il fut Gœthe, et ne fut pas autre chose.

J’ai longtemps cherché le nom qu’il porte dans l’ordre des idées, sans trouver le mot qui résume sa vie, son âme, son esprit, son œuvre. Si ce mot m’avait manqué toujours, Gœthe n’eût pas pris place dans ces études : car elles ont pour but de saisir l’homme qu’elles étudient dans sa forme totale, abrégée, synthétique ; elles essayent de caractériser, par un seul mot qui contienne tout l’homme, tous les détours d’une âme, et tous les circuits d’une vie. Obligé par la nature de mon travail d’écrire un mot sur le vaste front