Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 13.djvu/110

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Ou plutôt s’en armer pour bientôt s’asservir
Les lâches citoyens qui n’osent l’en punir.
C’est alors qu’à son front attachant la couronne
On le vit ériger son tribunal en trône.
L’amour du bien public fut un crime à ses yeux ;
Qui refusa ses fers fut un séditieux.
L’univers eut pour rois la force et l’artifice :
Ils y regnent encor sous le nom de justice ;
Le criminel heureux est par-tout révéré.
Enfin dans son palais le tyran massacré
Expire sous les coups des sujets qu’il opprime.
La force étoit son droit, la foiblesse est son crime.
Lorsque d’aucun remords un roi n’est combattu,
Et qu’il n’admet pour loi que son ordre absolu,
Tout différend alors se juge par la guerre ;
Tout mortel est esclave ou tyran sur la terre :
Il n’est plus de vertu, d’équité, de repos ;
Et l’univers moral rentre dans le chaos.
   Si l’orgueil éleva le pouvoir despotique,
La crainte l’affermit. Alors la politique,
Cet art auparavant si sage en ses desseins,
Ce grand art d’assurer le bonheur des humains,
Ne fut que l’art profond, mais odieux, qui fonde
La grandeur des tyrans sur les malheurs du monde.