Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 13.djvu/111

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L’homme adora le bras qui le tint abattu,
Et de sa servitude il fit une vertu.
Du peuple infortuné l’aveuglement extrême
Sembla le dépouiller de l’amour de lui-même.
Il parut oublier que l’espoir d’être heureux
De l’union publique avoit formé les nœuds.
Sous le nom des vertus il méconnut les crimes.
   Je vous prends à témoins, malheureuses victimes,
Vous qui, de vos sultans flattant la cruauté,
Placez l’art de régner dans l’inhumanité,
Et semblez préférer, dans vos vœux illicites,
L’art affreux des Séjans à la bonté des Tites.
   Dans cette foible esquisse où mon hardi pinceau
A du monde naissant crayonné le tableau
On voit que le plaisir, seul ressort de notre ame,
Aux grandes actions nous meut et nous enflamme,
Depuis l’esclave vil jusqu’au fier potentat ;
Dans chaque empire on voit comment le magistrat,
Avide du plaisir, rechercha la puissance,
Asservit tout au joug de son obéissance,
Souilla par son orgueil le temple de Thémis,
Et du glaive en ses mains par les peuples remis
Pour venger la vertu du puissant qui l’opprime
Il fit un instrument de vengeance et de crime,