Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 13.djvu/43

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On la vit autrefois, chez les Romains, en Grece,
Subjuguer dans Zénon, et charmer dans Lucrece.
Le plus sage est trompé. Souvent la vanité
Doit mêler des ennuis à sa félicité.
Mais Descartes m’entend. J’ai, me dit-il, moi-même
Marché les yeux couverts du bandeau du système,
Remplacé par l’erreur les erreurs d’un ancien,
Bâti mon univers sur les débris du sien.
Dois-je m’en affliger ? J’errai, mais comme un sage ;
Et j’ai du moins marqué l’écueil par mon naufrage.
Il faut, dit Malebranche, en faire ici l’aveu ;
L’on ne vit rien en moi quand je vis tout en Dieu.
Si je n’étincelai que de fausses lumieres,
Et si Locke a flétri mes lauriers éphémeres,
instruit par mes erreurs, il m’a pu devancer ;
C’est par l’erreur qu’au vrai l’homme peut s’avancer.
Si je me suis trompé, si ma raison esclave,
Des préjugés du temps ne put briser l’entrave,
Pardonne ; ô Vérité ; quand j’en reçus la loi,
Je ne t’offensois pas, je les prenois pour toi.
Il dit ; et j apperçois plusieurs d’entre les sages
Qui mêlent en riant sous des épais feuillages
Les voluptés des sens aux plaisirs de l’esprit.
Quel est sous ces berceaux le dieu qui les conduit ?