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SECTION V, CHAP. X.

fleurit, parfume l’air, et meurt dans un désert.

Le despotisme qui s’établit laisse tout dire, pourvu qu’on le laisse tout faire. Mais le despotisme affermi défend de parler, de penser et d’écrire. Alors les esprits tombent dans l’apathie. Le génie enchaîné y traîne pesamment ses fers ; il ne vole plus, il rampe ; les sciences sont négligées ; l’ignorance en est honneur (33), et tout homme de sens déclaré ennemi de l’état. Dans un royaume d’aveugles quel citoyen seroit le plus odieux ? Le clairvoyant. Dans l’empire de l’ignorance le même sort attent le citoyen éclairé. La presse en est d’autant plus gênée que les vues du ministre sont plus courtes. Sous le regne d’un Antonin on ose tout dire, tout penser, tout écrire, et l’on se tait sous les autres regnes.