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PŒUF.

imprégnée d’aromates, la terre séchait comme par magie, l’herbe se piquait de feux diaprés, les arbres se remettaient à verdir, les habitations à s’éclairer, le soleil à irradier sur des horizons poudroyants. Et cela durait jusqu’à ce qu’une ondée flagellât tout encore. C’était l’époque où les vents du sud et de l’ouest vomissent de l’eau à travers la Guadeloupe, où s’éteignent les poitrinaires, où l’on vit chez soi, où les perroquets, détestant leurs perchoirs, le bec farouche, se hérissent au clapotage mou des pluies, crient et battent furieusement des ailes. — Je ne m’amusais guère.

Ma mère présidait à mes récitations, Chassagnol à mes exercices de calcul, mon père à mes autres études. Et il n’était plus question de Pœuf, depuis que son recours en grâce voguait vers la France.

Je conservais sa clarinette ; j’y tenais ! on ne m’en eût pas séparé facilement ; mais elle ne me flattait plus, gisait au fond d’un tiroir, — d’une après-midi où, pour l’avoir embouchée, j’avais excité la réprobation des miens : « Est-ce qu’on se fourrait aux lèvres un instrument ainsi mordillé d’avance ?… un vieux, un malpropre, un ignoble instrument ? Pouah ! » — Vite, je m’étais gargarisé.

Un événement se disposait d’ailleurs à me créer un peu plus homme et à m’ouvrir l’intellect sur un