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tas de choses qui, faute de réflexions graduées et de substantielle expérience, m’avaient en partie échappé jusqu’alors. Il se développa un samedi, jour de l’Assomption, — je me le rappelle — dans le jardin de l’ordonnateur, près du bassin et des deux canards. Le temps d’écarquiller les yeux, de m’indigner, de m’assombrir, d’opérer une rapide volte-face, — et Marie m’avait effectivement préféré un maigre adolescent, fils du procureur général de la colonie !

Les bras m’en tombaient. Très abattu, très penaud, je pus dissimuler sur le moment ma rage d’orgueil meurtri ; mais, de retour chez nous, assoiffé de solitude, quand, par le caniculaire grenier où de suite je m’étais réfugié, en haine du prochain, j’eus gesticulé mon mépris et bien promené mes rancœurs d’une poussiéreuse lucarne à un fauteuil boiteux, puis du fauteuil à une seconde lucarne, tous mes nerfs se détendirent. « Oh ! certes ! ah ! ma foi, oui ! Pœuf avait eu joliment raison de le proclamer : les femmes étaient des coquines, de vraies coquines, de rudes coquines ! » Quel mot ! Il m’emplissait du haut en bas, synthétisait mes ressentiments, les faisait moins revêches, moins âpres ; et je le savourais, me l’appropriais à cette heure comme si je l’eusse imaginé, lui dont le goût de poivre long m’avait tant surpris, quatre semaines aupara-