Page:Henri Béraud - Le Martyre de l'obèse, 1922.djvu/127

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à prendre place à côté de lui, sur le banc du square Saint-Éloi. J’avais un ami de plus.

Il s’appelle M. Canabol et c’est, je crois, le plus fameux gastronome de tout le département. Il est décoré, je ne sais pourquoi, mais il le mérite bien. Quel brave homme, et tellement patriarcal ! Tandis que nous devisions, je voyais sa barbe noire se rebrousser aux revers de la jaquette, et son ruban rouge flambait entre les poils, comme une étincelle.

Nous pesons tout juste le même poids ; et cela, au-dessus de cent kilos, crée aux hommes des raisons de se comprendre, de s’aimer et de s’unir que les libellules et les colibris ne soupçonnent guère.

Bien qu’entre toutes qualités je prise surtout la discrétion, je n’ai pu me retenir de confier à M. Canabol le secret de mon cœur. Il m’a écouté gravement, hochant la tête et étirant parfois, d’un geste familier, son gilet sur la ferme mappemonde