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Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/125

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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

qu’un chapitre offrait un passage qui lui paraissait remarquable, elle lui en faisait la lecture.

C’était pour elle un grand sujet de curiosité que l’impression produite sur Marc par certaines des phrases dont elle-même admirait les subtiles cadences. Le voyait-elle cesser de peindre et secouer la tête, qu’elle donnait à sa voix, tout naturellement, une intonation plus émue. Il lui semblait qu’entre leurs cœurs se tissait un lien qui les attirait l’un vers l’autre, Marquait-il, au contraire, de l’indifférence, elle s’ingéniait, par l’analyse, à rendre éclatante la gracieuse invention qui l’avait touchée. Et parfois, mais gaiement, elle le traitait d’âne lorsqu’elle notait sur son visage le sourire de coin par lequel s’exprimait qu’à la réflexion il y demeurait insensible.

En public, aussi bien qu’en particulier, toutes ses manières portaient l’empreinte d’une délicatesse sur laquelle elle tentait de donner le change par de familières apostrophes. À aucun prix, même en ayant un solide motif, elle n’aurait grondé sérieusement. Un scrupule assez vague s’y fût opposé. L’ère des réprimandes était close. Dans ce garçon tenu par elle, des années durant, avec une rigueur inflexible, elle voyait désormais un individu, autrement dit un être humain doué de liberté dont les actions et les penchants pouvaient lui déplaire sans cesser pour cela d’être respectables. En l’accusant d’abandonner tout contrôle sur lui, on se serait heurté sans doute à sa conscience même, on l’aurait indignée, on l’eût fait bondir.