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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

« Il est mon ouvrage, » pensait-elle. « Je l’ai voulu, » se disait-elle, « moralement moi-même, aujourd’hui, ce reflet m’est une compagnie dont je me délecte avidement ! » Les différences, pourtant réelles, qui régnaient entre eux, ou elle mettait une complaisance à les négliger qui pouvait paraître un peu vive, ou, trop frappantes, elle s’en souciait comme de fantaisies et se bornait à déplorer légèrement chez Marc un amour excessif pour le paradoxe. Au fond du cœur, peut-être même se réjouissait-elle, tirait-elle vanité de lui croire ce goût. Toute expression que revêtait son intelligence la jetait secrètement dans l’admiration.

Les seules visites que l’on reçût à l’Amirauté étaient celles du comte de Kerbrat. Excepté quand la goutte le tourmentait trop, il y venait régulièrement deux fois par semaine, sans jamais consentir à passer la nuit. C’était une chose, déclarait-il avec bonne humeur, qu’il ne faisait bien qu’à Quimper, ajoutant que l’arome d’un jardin breton ne valait pas pour l’endormir celui des vieux livres qui, de tout temps, avait été son cordial de choix et son plus actif narcotique. Comme le progrès avait banni la voiture à mules des moyens ordinaires de locomotion, il recourait, depuis la guerre, pour le transporter, à une voiture automobile, relique d’un garage, qui rappelait par son moteur et sa carrosserie la période héroïque de ce véhicule. Lorsque le comte, sur les neuf heures, se mettait en route, la campagne l’apprenait jusqu’aux horizons. C’était un bruit vraiment affreux de ferraille