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Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/181

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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

Elle relisait avec douleur, pour la vingtième fois, le rapport établi par les détectives lorsqu’un soir, brusquement, une pensée lui vint. Si, pourtant, Marc, fanatisé par sa vieille maîtresse, se faisait illusion sur l’âge de cette femme ? « Ridicule hypothèse ! » se dit-elle d’abord, tant la passion qui l’animait depuis plusieurs jours défigurait dans sa mémoire Mme Aliscan. Il n’aurait pas été besoin d’insister beaucoup pour lui faire déclarer de la meilleure foi que cette personne était boiteuse, ou bossue, ou bigle, — en tout cas, qu’elle eût l’air d’une quinquagénaire, ne faisait pour elle aucun doute. Mais, de romans qui prétendaient à offrir de l’homme une peinture exacte et complète, elle avait retenu qu’en matière galante l’aveuglement sur les défauts les plus manifestes était de règle aussi commune que la confiance même et bientôt le soupçon qu’elle avait formé prit dans son âme, toujours ouverte aux lueurs de l’espoir, une extraordinaire consistance. Un détail, au surplus, l’y affermissait. Marc ignorant que sa maîtresse eût de son mariage deux enfants à cette heure tous deux établis, un élément des plus précieux, d’une valeur unique, lui manquait pour se faire une opinion juste. Rien ne semblait plus indiqué que de l’en instruire. « Si, réellement, j’étais sa mère, » pensait la jeune femme, « hésiterais-je une seconde dans un pareil cas ?… C’est là mon fort. Il saura tout. Je la démasquerai ! » se promit-elle énergiquement lorsqu’elle fut au lit. L’agitation qu’elle éprouvait la tint éveillée.