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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

cherchiez vos torts ! Comment sentir celui d’avoir, près d’une femme indigne, placé naguère, avec confiance, un fils trop charmant ? Plus perspicace, lisant en elle, éprouvant leurs nœuds, eussiez-vous cru qu’elle le formait à sa propre image pour pouvoir, un jour, l’adorer ? Ô détours hypocrites d’une concupiscence ! Comme elle se voile, comme, soigneusement, elle efface ses pas ! L’esprit d’Hélène tâtait une cause aussi nette que forte, puis stupéfait qu’elle se trahît sans s’être annoncée, hésitait encore à l’admettre. Tant de signes concordants l’emplissaient d’angoisse, mais n’était-ce pas son inquiétude et son déchirement qui les imputaient à l’amour ? « Non ! » jetait puissamment une voix intérieure. Lorsqu’en nous la conscience fait jaillir son cri, bientôt nos doutes, intimidés, vacillent et s’éteignent, comme le chant d’un poltron dans l’obscurité. Hélène, en proie, par intervalles, au murmure des siens, frissonnait alors même de sa certitude et ressentait pour sa personne une horreur si grande qu’elle se reprochait d’être en vie. Dans un élan de contrition, dès ses premières larmes, elle avait pris sur l’étagère l’image de Michel. Plusieurs fois par minute, elle la contemplait. Un long baiser désespéré suivait chaque regard et, puérilement, la langue en pointe, elle posait ses lèvres à l’endroit même où se marquaient celles de l’effigie, pour mieux faire amende honorable. À cette figure déjà fanée, jaunie par le temps, elle adressait avec passion des mots bien plus doux que les plus doux qu’eussent reçus d’elle, aux plus belles des heures, les grandes oreilles