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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

inexpressives qu’on y voyait poindre. Son index en lissait légèrement les traits. Elle finissait, à force d’âme et de recueillement, par lui découvrir une noblesse. Elle lui criait son désespoir, lui jurait sa foi et implorait d’elle son pardon.

Ces transports de chagrin durèrent jusqu’au soir. Quand arriva l’heure du dîner, elle se mit au lit. Elle avait, fit-elle dire, une migraine affreuse et défendait absolument que, sous nul prétexte, on vint la troubler dans sa chambre. Allongée, yeux ouverts, au cœur des ténèbres, elle continua de méditer sur son infamie, mais avec la résignation de qui a tout vu et ne saurait, en conséquence, ni vraiment s’instruire, ni s’offusquer outrancièrement d’un détail nouveau. Ce qui la surprenait de plus en plus, c’était la paix ou, pour mieux dire, l’ignorance totale dans laquelle, jusque-là, elle avait vécu. En admettant que le séjour à l’Amirauté, la scène violente avec son père, mille indices plus vagues se fussent produits sans lui causer nulle espèce d’alarme, se pouvait-il que ses faiblesses du dernier automne ne l’eussent pas, au moins, tourmentée ? N’étaient-elles pas en désaccord avec toute sa vie ? Manquaient elles de suite, d’étendue ? Jusqu’à ses modes abandonnées pour complaire à Marc ! Puis, souffrait-on de jalousie sans savoir de quoi, et n’était-ce pas d’une jalousie caractérisée qu’elle avait souffert si longtemps ? Dévorée de ses flammes avant son veuvage, elle la sentait brûler son cœur, sans pouvoir la vaincre, à l’enterrement même de Michel, la subissait à toute minute, la traînait partout et lui cédait