Aller au contenu

Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
222
LE SUPPLICE DE PHÈDRE

dans sa démarche à l’Agence Privée comme dans sa visite d’aujourd’hui. Lorsqu’elle songeait aux témoignages prodigués par elle de cette passion que son objet rendait monstrueuse, elle redoutait que son beau-fils, en les observant, ne les eût qualifiés comme ils devaient l’être, tant, à cette heure, ils la frappaient et lui semblaient clairs. Alors, sa honte croissait soudain dans une telle mesure qu’elle cachait sa tête sous son drap. Jusqu’au moment où le sommeil finit par la prendre, elle vécut traversée de cette crainte affreuse comme les élancements d’une colique, se demandant ce qu’elle ferait le matin suivant si, trop lasse ou trop molle pour dompter ses nerfs, elle manquait du courage de rencontrer Marc.

Reposée, elle le vit sans appréhension. Un examen plus méthodique, fait d’une tête plus froide, avait suffi, dès son réveil, à lui persuader qu’elle s’était émue gratuitement. À quel degré, presque infernal, de la corruption supposait-elle donc son beau-fils pour lui avoir jamais prêté pareille conjecture ? D’un si bas égarement, elle se méprisa. Mais, déchargée de son angoisse, elle se sentit libre, un peu, vraiment, comme si ce trouble était sa faute même. Les plus pressants de ses remords avaient disparu. Sa pensée aurait pu se traduire ainsi : « J’ai pour Marc un amour réputé coupable, mais dès l’instant qu’il n’en sait rien, que j’en souffre seule, si je préfère cette souffrance-là à la quiétude, je suis bien maîtresse de l’aimer ! » Elle se grisa jusqu’au vertige de ce raisonnement. Grâce à lui, elle pouvait consi-