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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

bouche se contractait, ses paupières battaient, elle flottait, comme saisie d’un étourdissement. À mainte reprise, dans la journée, sans motif sérieux, elle tapota négligemment la figure de Marc ou vint l’embrasser sur une joue. Toutes les fois, déplorant son manque de hardiesse. C’était, pour elle, une certitude, acquise le matin, devenue obsédante en se fortifiant, qu’un seul contact où se seraient mélangés leurs souffles l’aurait rendue, jusqu’à sa mort, parfaitement heureuse. « Qu’ai-je à craindre ? Il suffit, » songeait-elle, « d’oser ! » Avant d’aller se mettre au lit, elle se décida. Marc reçut le baiser avec étonnement, mais l’intention qui le guidait lui resta cachée et, n’y voyant qu’une maladresse, il ne fit qu’en rire.

Quel interprète est plus docile qu’un amour anxieux ? Le témoignage de complaisance le moins déguisé n’eût pas mis la jeune femme dans un autre état. S’attendait-elle, sans se l’avouer, à une réaction, toujours est-il que, d’une gaieté franche et naturelle, elle tira l’assurance qu’elle avait ému. Aussitôt sa pensée s’inquiéta des suites. Avec l’absence de tout scrupule et cet égarement qui caractérisent la passion, elle entrevit pour elle et Marc un bonheur si proche que le temps même de l’apprêter et d’en jouir d’avance allait certainement lui manquer. Le lien social qu’elle profanerait l’occupa sans doute. Mais fugitivement, et si peu ! N’était-il pas, tout bien pesé, de pure convention. Si l’union consanguine inspirait l’horreur, pour les enfants du premier lit d’un veuf remarié, la seconde mère n’était