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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

Marc, cependant, ne trahissait aucune vocation. Les jeunes gens d’aujourd’hui sont ainsi formés que beaucoup participent, comme par contagion, au désenchantement de leurs pères. Les récits de combats leur ont fait une âme que ce qu’ils savent, pour, à toute heure, en être avertis, des difficultés d’après-guerre, ne contribue ni à grandir, ni à fortifier. Comme si, d’avance, ils s’apprêtaient à périr eux-mêmes fauchés dans leur fleur par une balle, il leur paraît au moins frivole de rien entreprendre. Pour se donner à regretter prochainement la vie, n’ont-ils pas assez des plaisirs ? Cette espèce d’envoûtement qui pesait sur Marc, sans que, d’ailleurs, il se souciât d’en saisir la cause, le détournait de se complaire aux ardents projets que, sous le gaz des salles d’études, entre deux lexiques, mûrissaient ses aînés d’une génération. Au surplus, la question lui semblait trop vaste. Il n’abordait que des problèmes étroitement cernés. Celui-ci échappait à sa compétence.

Avant que Michel ne partît, Hélène l’avait interrogé à plusieurs reprises sur la carrière qui, d’après lui, conviendrait à Marc. Ses efforts étaient restés vains. La commandant secouait la tête et faisait une moue. « Étudiez-le. Parlez-lui-en. Vous verrez vous-même. Je le connais vraiment trop peu pour me prononcer ! » avait-il, chaque fois, répondu. C’était la stricte vérité, cette affirmation. Puis, chez cet homme qui dirigeait un navire en mer avec certitude et sang-froid, la confiance dans ses vues manquait totalement dès qu’il avait