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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

les cultive, ne parviendrais-je pas comme un autre ?

— Parce que, mon petit, il te manque le don ! En matière d’art, le savoir-faire est sans doute utile, mais le sentiment compte surtout. Comprends-tu ? fit Hélène avec bienveillance. Je veux parler de cette ivresse qui s’empare du cœur et qui donne à la main, docilement soumise, comme de merveilleuses impulsions. Tu me diras qu’il faut encore que l’objet s’y prête et que l’on brûle difficilement devant une potiche. Mais j’ai vu bien des fois de tes paysages. Ils sont sans accent, ils sont secs. On en retire cette impression que l’âme n’y est pas, que tu traces la nature sans la pénétrer. Or, à l’École, si ton talent se perfectionnait, tu n’apprendrais pas à sentir. Tu resterais modestement de ces bons élèves dont je t’ai dit que les plus riches empilaient des toiles sans aucun espoir d’en vendre une et dont les moins favorisés dessinent des bijoux. Mieux vaut ne pas se ménager de telles déceptions. C’est pourquoi je t’invite à faire un effort et à choisir, dans un domaine plus à ta portée, une occupation plus bourgeoise.

Marc avait écouté sans bouger un cil, Hormis sa bouche qu’infléchissait le mécontentement, rien ne semblait, dans sa personne, vouloir protester contre cette sévère diatribe.

— J’espère bien, dit Hélène, que tu m’as comprise. Il m’est pénible, ajouta-t-elle, de te contrarier, mais ce sont là des vérités que tu dois