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Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/70

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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

l’étaient de votre mère ou de votre aïeule, tout un lot de bonnes gens séchés dans Paris entre deux feuilles d’un Messager, deux pages de la Croix, au beau milieu d’une livraison du Correspondant. Michel, à tous, faisait honnête et sérieuse figure, la composant de telle façon qu’ils ne pussent douter qu’il venait les voir sans plaisir. Ç’aurait été, lui semblait-il, gâter ces visites et surtout leur ôter de leur caractère que d’y mêler ouvertement un peu d’allégresse. Il importait avant toute chose qu’elles fussent méritoires. Le bénéfice qu’il en tirait se chiffrait pour lui par la somme des baptêmes et des enterrements, des mariages prochains ou défaits, des médisances, des calomnies, des menus scandales qu’enregistraient, comme autrefois chez les Cortambert, ses longues oreilles sans expression poliment tendues. Par instants, sous sa veste, il cherchait sa montre, en comprimait dans sa main close le lourd boîtier d’or, paraissait s’absorber dans une réflexion et déchiffrait l’heure en louchant. Hélène savait, lorsque sa tête s’inclinait ainsi, ce que signifiait cette mimique. Elle levait alors la séance.

Si fastidieuses que fussent pour elle de pareilles corvées, on n’aurait pu ni la surprendre en flagrante posture de se dérober à une seule, ni l’accuser de s’y soumettre avec mauvaise grâce. Elle estimait de son devoir d’oublier ses goûts pour être agréable à Michel et, souvent obligée, sur des points sérieux, de le contrarier par doctrine, était heureuse de lui donner cette preuve d’attachement.

Cette fois-là comme les autres, elle se résigna.