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Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/76

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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

C’était curieux comme, jusque-là, même en l’attendant, elle avait peu imaginé, lancé dans Paris, ce garçon mince et net qu’elle regardait fuir. Pourvu surtout que le chauffeur pût garder contact ! « Si je descendais ? » pensa-t-elle. « Sur le trottoir, les embarras ne sont pas à craindre. Mais il marche plus vite et me distancerait ! » Soudain, la voiture s’arrêta. Marc stationnait à quelques mètres, au coin du boulevard. Hélène, tremblant d’être aperçue, se dissimulait, lorsque, venant du côté gauche de la longue artère, elle vit arriver une jeune fille. Son beau-fils lui baisa gracieusement la main, puis, côte à côte, ils traversèrent, se pressant un peu, la chaussée qui grondait sous les véhicules,

Le temps d’un saut, de payer l’homme, de passer elle-même, indifférente aux mille dangers que présente l’endroit, sans quitter des yeux le jeune couple : elle entra derrière lui dans le Luxembourg.

Ni indignation, ni chagrin. Nul des signes apparents de contrariété qu’on aurait attendus d’une nature si prompte. La stupeur l’emportait sur tout sentiment. À peine savait-elle qu’elle marchait. « Marc est avec une femme… Il voit une femme… » ces quelques mots brillaient en elle comme, dans les ténèbres, l’inscription lumineuse tendue sur un toit, seul vibrant phénomène de la masse des ombres et pensée unique de la nuit. Les deux jeunes gens avaient gagné, à travers les groupes, une partie du jardin à peu près déserte et, tendrement, ils cheminaient, trop occupés d’eux pour que l’on eût à redouter d’en être aperçu. Hélène les suivait à vingt