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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

plus ou moins maussade et d’une politesse résignée, une gêne constante et sourcilleuse se sentait chez Marc, la méfiance transpirait dans toutes ses actions. Fréquemment, ses répliques en portaient l’empreinte. Il n’était pas jusqu’aux regards qu’il posait sur vous qui ne manquassent et de franchise, et de liberté. Son pas même accusait, par ses précautions, comme une volonté d’effacement.

— Tout à fait le courlis ! se disait Hélène.

Sans mentir, c’était plus fort qu’elle ! Le souvenir de cette histoire presque insignifiante, bien des fois contée par son père, lui était revenu d’excessivement loin et maintenant il l’occupait jusqu’à l’obsession. Sous un beau crépuscule, dans une broussaille, elle distinguait, tenant l’affût par désœuvrement, le jeune chasseur qu’était alors le comte de Kerbrat et, près de lui, l’oiseau grisâtre aux pattes décharnées qu’il venait d’abattre en plein vol. De tous côtés, retentissaient les cris courts et faibles des congénères de la victime qui rentraient des plaines se mettre à l’abri pour la nuit. Tout à coup, le chasseur détournait la tête. Un léger bruit d’herbes froissées, comme du bout d’une canne, s’était élevé derrière lui et il voyait la maigre bête qu’il avait crue morte qui, redressée sur ses longues pattes, cherchait à s’enfuir. « À l’instant même, » expliquait-il, « le délire m’a pris. Oui, vraiment, le délire, je n’exagère pas ! D’un seul bond, j’ai rejoint le courlis blessé, je l’ai frappé à coups de crosse, broyé du talon, j’en ai fait à mes pieds une bouillie sanglante. Dans la prudence désespérée de ce pauvre